Champagnes Drappier

Le bonheur est dans les bulles...

 

Au Moyen Age, les drapiers fabriquaient et vendaient des draps. Comme bon nombre de commerçants, ils tenaient leur nom de leur profession. Aujourd’hui, la famille Drappier a gagné ses lettres de noblesses. D’un ancêtre procureur du roi en 1605, à des arrières grands-parents agriculteurs, il ne fallait qu’un mariage avec une vigneronne pour que les Drappiers deviennent dans l’Aube, à Urville, les « Maîtres du champagne. »

Installés à Urville, dans l’Aube (10), les champagnes Drappier cachent les trésors de leurs bouteilles dans les caves Cisterciennes du 12e siècle d’une ancienne école, construite en 1120 et qui appartenait à l’abbaye de Clairvaux. Un lieu hautement historique et chargé d’Histoire, sur lequel veille encore Bernard de Clairvaux du haut du manteau de la cheminée des lieux.

 

L’avènement du « Père Pinot »

 

A Urville, au début des années 1930, le vignoble soulève brusquement des discussions passionnées. C’est que Georges Collot, que l’on va surnommer le « Père Pinot », grand-père maternel de Michel Drappier, l’actuel dirigeant de la maison, décide le premier de planter du Pinot Noir dans le canton… Sa décision fait rire et personne n’y croit. Aujourd’hui, ce cépage représente 70% du vignoble et près des trois quarts de l’encépagement du terroir communal…

Mais l’histoire de la famille Drappier, c’est avant tout celle d’une terre, celle de la Champagne, aux sols calcaires squelettiques avec des sous-sols à tendance marneuse. Des parcelles particulièrement bien exposées, aux sols kimméridgien, qui produisent des vins très expressifs. Actuellement, le vignoble Drappier s’appuie sur plus de 90 hectares, dont 45 hectares sous contrat auprès d’autres vignerons et 57 hectares en pleine propriété amendés de composts naturels,  le tout partagé entre la Côte des Bar, le berceau de la Famille où l’on ne compte plus les vignes anciennes ; la Montagne de Reims, connue pour son Pinot Noir ; et la Côte des Blancs, réputée pour la finesse du Chardonnay (15 %) ; auxquels s’ajoutent des cépages typiques tels le Pinot Meunier (13 %) et des cépages atypiques tels que le Morillon noir, le Blanc Vrai, l’Arbane ou le Petit Meslier. Des vieux cépages utilisés pour l’élaboration du « Quattuor », une cuvée très spécifique composée de 25 % de quatre cépages : l’Arbane, le Petit Meslier, le Blanc Vrai et le Chardonnay qui ont permis de créer un Blanc de quatre blanc qui tranche, par sa typicité dont ressort des notes d’agrumes et son caractère, des Blanc de Blancs classiques que l’on peut trouver en Champagne. Une cuvée représentant environ 2000 bouteilles pour seulement 2 % du vignoble, qui ne voit le jour que lorsque Dame Nature décide d’y mettre du sien…

Depuis 2014, Michel Drappier a entamé la conversion de 15 hectares de vignes en agriculture biologique. Des parcelles travaillées à l’aide de chevaux de labours Ardennais, à l’ancienne, sous l’œil attentif d’Antoine, petit fils de André Drappier et 8e génération de la dynastie.

 

Michel Drappier sous l'oeil attentif de Bernard de Clairvaux.

Des vendanges à la décantation

 

Les raisins vendangés à la main, selon les exigences de l’INAO, pour garantir à la grappe son intégrité, sont livrés en caisse de 45/50 kg puis déversés dans l’un des 4 pressoirs de 8 tonnes, soit 2 marcs (1 marc = 4 tonnes) où ils vont être séparés en fonction de leur cépage et de leur provenance. Le moût issu du pressurage s’écoule par gravité dans les belons pour 12 heures de décantation. Les jus seront sectorisés de la même manière que les raisins avec, en plus, une séparation en fonction des millésimes. Cette répartition s’effectue au travers de 150 cuves inox qui pour certaines conserveront les vins frais, tandis qu’une partie des jus partira soit pour un élevage en fûts de chêne et soit en foudres de chêne pour élaborer différents types de cuvées. « Nous avons opté pour un écoulement par gravité, sans pompage, tout au long des opérations, indique Michel Drappier. Nous allons de même éviter d’exposer le vin à son ennemi naturel qu’est l’oxygène. Une pratique qui permet de limiter l’apport de soufre à des doses très homéopathiques, voire inexistantes, et qui donne ultérieurement des vins aux couleurs naturelles avec des ors riches, cuivrés, et des arômes plus épanouis. »

Des fûts en chêne de trois ans d’âge reçoivent les vins clairs issus du pressage qui vont y mûrir durant six mois. Au sein de la production, quelques cuves « marquées » sont réservés aux vins « cashers ». Une particularité commercialisée sous le nom de Carte d’Or et Carte Blanche, liée à la demande de certains importateurs à Londres, Bruxelles et New York et quelques clients Français. L’élaboration de ces champagnes  particuliers est réalisée à l’aide de levures cashers, par des personnes de confession juive, avec une méthode de vinification différente, sous l’égide des spécialistes de la maison. Les foudres sont fabriqués avec un chêne en provenance de la forêt de Tronçais. Un bois dont les arômes aux notes vanillées conviennent tout particulièrement à l’élaboration des vins blancs.

« Lorsque l’on élève un vin blanc, on reste sur des notes fines. Les vins qui séjournent dans ces foudres vont gagner en complexité afin d’être utilisés pour des cuvées spécifiques telles que la Grande Sendrée, les millésimes Exception, la cuvée Charles de Gaulle… Nous n’utiliserons pas ces vins pour des bruts classiques. »

La liqueur d’expédition

 

D’autres cuves tronconiques, en chêne du Limousin, abritent 30 000 l de ce qui va devenir la «liqueur d’expédition» ou «liqueur de dosage». Pour réaliser cette liqueur on ajoute 500 g de sucre de canne à un assemblage de vins clairs. Le mélange va macérer au repos de 10 à 20 ans pour ressembler à terme à un sirop d’érable épais, sirupeux, très concentré en arômes. Placée dans des Dames Jeanne, cette liqueur va être ajoutée au vin au moment du dégorgement, à dose homéopathique, afin d’accentuer la longueur en bouche et d’offrir des champagnes plus complets et plus riches. « Sur une cuvée classique comme le Carte d’Or, la liqueur est dosée aux environ de 6 g/l. Nous sommes bien en dessous des 10/12 g/l habituels, mais la richesse de nos cépages nous permets de les laisser s’exprimer. »

Patience et longueur de temps

font le beau et bon champagne

 

Ce sont dans les caveaux du 12e siècle, construits sous la maison à l’aide d’un calcaire du Jurassique très riche en minéraux, que dorment les plus grandes cuvées de la maison. Sans moyens technologiques, les moines du Moyen Age possédaient une véritable connaissance des lieux où pouvaient se creuser des caves stables, abritées des aléas climatiques. Ainsi, la Grande Sendrée, cuvée mythique de la maison, va rester reposer sur lattes durant six ans pour donner naissance à sa seconde fermentation. Une période qui va peu à peu générer l’effervescence du vin par l’apparition des levures indigènes qui vont se déposer sous forme de sédiments dans le fond de la bouteille. C’est un véritable échange aromatique qui va alors s’affiner au fil des mois. Si le repos sur lattes est variable en fonction des vins, le minimum requis est pour le brut sans année comme le Carte d’Or qui repose durant trois ans, alors que la législation ne demande qu’un temps de repos de 15 mois. « Nous préférons toujours travailler dans la longueur, poursuit Michel Drappier, pour affiner les arômes et obtenir des vins beaucoup plus ronds et plus délicats. »

Au détour d’un souterrain, apparaissent les gros flacons, sagement alignés dans l’obscurité protectrice. Une collection particulière à Drappier qui se compose entre autres des Mathusalem (6 l), du Primat (27 l) et du gigantesque Melchisédech, « souvenir de Babylone », de 30 l. Pour ces géants, les champagnes ne sont pas travaillés par transvasement comme on pourrait le croire. La « prise de mousse » va s’effectuer directement dans le flacon bouché en liège de façon traditionnelle. Une manipulation extrêmement délicate mais qui va permettre au vin d’obtenir un développement aromatique et une qualité sans pareil. Au cœur de la gamme, les millésimes anciens occupent une place prépondérante. Des années particulières, destinées à une clientèle spécifique : des cavistes spécialisés dans les millésimes anciens, des palaces, des collectionneurs… à la recherche de vins qui enferment dans leurs bouteilles les qualités et les souvenirs de grandes années avec par exemple, des Carte d’Or 1959, 1982, 1990, des rosés de 1964… Une collection limitée par les disponibilités, dont les flacons sont positionnés de biais, remués à la main, et ne sont dégorgés qu’à la demande afin que les sédiments du vin poursuivent leur lent travail d’évolution aromatique. Parmi les particularités de la maison, une petite production de vins tranquilles Côteaux Champenois, en quantité limitée millésimée, vient compléter la gamme. Le millésime Exception est présenté dans une bouteille sur laquelle est moulé « son » millésime. Une manière de capturer les souvenirs d’une saison climatique exceptionnelle. Souvenirs gustatifs bien sûr mais également le «sceau» de Drappier, à travers des Jéroboam, des Magnums ou des bouteilles marquées d’une pratique unique en Champagne et qui garantie l’authenticité de l’année.

Depuis 2014, Michel Drappier a entamé la conversion de 15 hectares de vignes en agriculture biologique. Des parcelles travaillées à l’aide de chevaux de labours Ardennais.

Fûts et foudre sont fabriquées avec un chêne en provenance de la forêt de Tronçais. Un bois dont les arômes aux notes vanillées conviennent tout particulièrement à l’élaboration des vins blancs.

Ce sont dans les caveaux du 12e siècle, construits sous la maison à l’aide d’un calcaire du Jurassique très riche en minéraux, que dorment les plus grandes cuvées de la maison.

Gestation sous haute surveillance

 

Sous la voûte d’une cave un œuf se dresse fièrement. Cet « Ovum» de chêne de 2,30 m de haut, d’un genre tout à fait nouveau, a vu le jour à l'initiative de Michel Drappier. L’Ovum abrite 2 500 l d’une cuvée premium en « gestation » prévue pour 2018. Un test grandeur nature. L’Ovum donnant en son sein des vagues et des mouvements naturels au vin qui vise à développer des notes aromatiques exceptionnelles. Il nous faudra encore attendre pour goûter cette merveille !

Du 12e au 20e siècle…

 

Après un repos de 4 ou 6 ans sur lattes, les bouteilles sont placées dans des pupitres. Chaque jour, elles sont tournées d’un quart de tour et relevées délicatement de quelques millimètres sur leur axe. Le but étant d’amener lentement les sédiments présents à se compacter à l’horizontal puis, en changeant l’angle d’inclinaison, d’empêcher ces derniers d’adhérer à la paroi et de les précipiter jour après jour vers le goulot. Un processus de trois à cinq semaines préludant à leur élimination.

Un cinquième de la production des champagnes est encore remué sur pupitre, notamment dans le cas des gros flacons et des cuvées de prestige. Le reste de la production étant secoué journellement d’un quart de tour par gyro-palette. Au terme de leur gestation, les champagnes sont amenés dans la partie industrielle de l’entreprise. Des caves et des entrepôts qui ont vu le jour depuis les années 70. Là, la robotisation règne en maître. Un bras automatisé place les goulots des bouteilles dans un espace de congélation qui, durant 20 mn, va congeler à -25° les sédiments. Le glaçon de sédiments va être expulsé automatiquement de la bouteille lors du décapsulage. Une fois les bouteilles dégorgées, les champagnes sont dosés : un prélèvement est automatiquement fait dans chaque bouteille tandis que l’on insère la liqueur de dosage. La liqueur ajoutée, le champagne préalablement prélevé sert à «faire le niveau» afin d’assurer aux consommateurs que chaque bouteille est conforme à la contenance indiquée. Les bouteilles seront ensuite bouchées, lavées, séchées, habillées de leur coiffe, de la collerette, puis étiquetées et emballées avec un soin méticuleux afin d’arriver sur nos tables pour le plus grand plaisir de nos papilles.

L’Ovum abrite 2 500 l d’une cuvée premium en « gestation » prévue pour 2018.

Une autre partie de la propriété, construite à partir des années 70 abrite les ateliers de conditionnements, de préparation des commandes et d’emballage des bouteilles destinées à l’export. Chez Drappier, l’export représente environ 65 % du CA via quelques 90 importateurs dans le monde.

André et Antoine Drappier

Le glaçon de sédiments est expulsé automatiquement de la bouteille lors du décapsulage.

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