L’huile d’olive Corse…
Un patrimoine ancestral
La Corse héberge l’olivier depuis des millénaires. Les hommes du néolithique récoltaient déjà les fruits de l’arbre sauvage (l’oléastre) et un mortier rudimentaire trouvé à Scaffa Piana laisse penser que des hommes procédaient déjà à l’extraction de l’huile 1 800 ans av. J.-C. Située au cœur de la Méditerranée occidentale, l’île a de tous temps été une terre de contact, escale des navigateurs et des marchands phéniciens, romains, puis génois. La Corse possède un patrimoine génétique oléicole endémique (sabina, biancaghja, curtinese, zinzala et capanace), qui s’est peu à peu enrichi, notamment lors de la présence génoise au XVIe siècle (ghjermana).
Aujourd’hui, le verger oléicole corse est très présent sur tout le territoire, sur différents types de reliefs, de 0 à 750 mètres d’altitude : coteaux pentus, vergers en plaine, cultures en terrasses ou sur plateaux. Il est essentiellement composé d’arbres multiséculaires – certains auraient plus de 2 000 ans – à grand développement (les arbres atteignent parfois 20 mètres de hauteur). Le renouveau de l’olivier découle directement de la reconnaissance de l’AOC. Depuis 200 ans, la production s’éteignait. Les producteurs ont réalisé de nouvelles plantations. À base de variétés locales, ces vergers témoignent de la vitalité retrouvée de la filière et constituent un atout supplémentaire pour les paysages de Corse. Désormais, vergers multiséculaires et jeunes plantations se côtoient et se complètent. La plus grande région productrice de Corse reste néanmoins la Balagne, où la majorité des oliviers sont anciens et jamais altérés par le gel.
Une filière de production locale
de plants d’oliviers certifiés
Jusqu’en 2014, les oléiculteurs corses désireux de planter importaient plus de 80 % des scions d’oliviers d’Italie. Mais les ravages causés par la bactérie « Xylella Fasti-diosa Pauca » sur les oliveraies de la région des Pouilles et le fait que la maladie y soit hors de contrôle les ont contraints à remettre en cause ces importations. En juillet 2015, la découverte en Corse de la bactérie « Xylella Fastidiosa Multiplex » (une souche moins agressive) et ses conséquences réglementaires sur l’introduction et la circulation des végétaux sur l’île les ont poussés à adopter d’urgence une solution alternative. La production en terre corse par leurs soins de plants d’oliviers est apparue comme la seule voie possible, d’autant qu’ils réfléchissaient depuis 2013 à la mise en place d’un réseau de collaboration en Recherche & Développement afin d’améliorer la connaissance et la conservation des variétés corses. L’idée était donc de rechercher une solution d’approvisionnement locale en plants d’oliviers agricoles de variétés corses, tout en menant en parallèle le programme de sélection d’évaluation des variétés corses.
En 2015, le syndicat AOP Huile d’Olive de Corse a donc conclu un partenariat avec l’AREFLEC, la station d’expérimentation et de recherche sur les fruits et légumes de Corse, afin de produire des plants d’oliviers sains, authentiques et de qualité, avec pour objectif la mise en place, d’ici trois ans, d’une certification nationale CTIFL1. Les premiers arbres prêts pour la plantation seront vendus à partir de l’automne 2017. L’objectif de production à terme est de 60 ha par an, soit 15 000 plants d’oliviers annuellement sur au moins 7 variétés corses.
Des secrets de fabrication ancestraux
De par leur taille et leur implantation en coteaux, les oliviers corses ne sont pas menés de façon intensive : la mécanisation y est limitée. Les oliviers peuvent être traités contre « la mouche de l’olive », en fonction de son niveau de prolifération, mais pas de manière systématique : ainsi, certaines années, aucun traitement n’est apporté. La période de récolte s’étale sur 6 mois, de novembre à mai, selon les variétés et les micro-régions. Les olives sont récoltées sur des filets tendus entre les oliviers, parfois en suspension afin d’éviter tout contact avec le sol. La Corse est l’une des rares régions d’Europe où subsiste ce procédé. Les filets permettent de récupérer les olives soit lorsqu’elles chutent naturellement parce qu’elles sont arrivées à maturité, soit parce que leur chute a été provoquée par une action mécanique, grâce à un peigne vibrant actionné à bout de bras. La récolte des olives représente un travail extrêmement méticuleux qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre. La maturité des fruits au moment de la récolte est un point crucial : c’est ce qui détermine les qualités de l’huile. En Corse, elle est produite à partir de fruits majoritairement noirs. Le respect de cette règle garantit la douceur caractéristique de l’Huile d’Olive de Corse Oliu di Corsica. Il résulte de ces techniques de conduite du verger et de récolte une production qui, souvent, alterne un an sur deux, et un produit identitaire à forte typicité. Après la récolte vient le temps de la taille des arbres, qui permet le renouvellement des rameaux.
Une transformation minutée
La transformation se fait au sein de plusieurs moulins répartis sur l’ensemble des bassins oléicoles. L’excellente qualité des fruits est primordiale. La trituration est effectuée dans des délais brefs après la récolte : mode et durée de stockage sont encadrés par le cahier des charges de l’AOP. Les 28 moulins enregistrés en AOP sont tous en chaîne continue : le délai entre la mise en œuvre et l’extraction de l’huile n’excède jamais 1 h 30, ce qui permet une séparation rapide de l’eau et de l’huile contenues dans les olives, limitant ainsi l’oxydation. Comme pour l’obtention de toutes les huiles d’olive « vierge » ou « vierge extra », aucun adjuvant n’est admis : seul le procédé mécanique permet d’extraire le « pur jus de fruit ». Le respect de ces pratiques a mené la production régionale à une qualité optimale.
Des saveurs variées reconnues sous AOP
L’existence d’un terroir, d’un patrimoine ancestral, de méthodes de production et d’un savoir-faire spécifique à la Corse ont logiquement porté le choix des producteurs insulaires vers la mise en place d’une AOC parmi d’autres signes de reconnaissance du produit, dès 1997. Cette appellation est en effet garante des qualités du produit et de ses caractéristiques, de son terroir d’origine, du savoir-faire des opérateurs, de l’antériorité et de la notoriété des méthodes de production. L’Huile d’Olive de Corse Oliu di Corsica est récoltée et produite selon des impératifs rigoureux : zones géographiques délimitées ; culture d’oliviers de variétés définies (Ghjermana, Sabina, Aliva Nera, Zinzala, Capannace), récolte d’olives majoritairement noires, propriétés organoleptiques strictes. Il existe en Corse autant de variétés d’huile que de types de vin. Une diversité des goûts qui constitue une authentique richesse, reconnue par l’obtention d’une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) en 2004, puis d’une AOP (Appellation d’Origine Protégée) en 2007.
La filière oléicole corse
Au début du XXe siècle, la Corse produisait encore de grandes quantités d’huile d’olive, les ports de l’Île Rousse et de Bonifacio hébergeaient à l’année des courtiers en huile. Les mauvais résultats économiques, l’exode rural, l’évolution des usages alimentaires et les dernières guerres ont peu à peu entraîné l’abandon des oliveraies, laissant place au maquis et livrant les oliviers aux incendies ravageurs. L’oléiculture corse avait alors quasiment disparu.
Dans les années 1980, plusieurs associations se mettent en place sur l’ensemble de la Corse et s’activent pour inciter à la rénovation de l’oliveraie ancienne, puis se regroupe au niveau régional au sein du SIDOC (Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse). En 2002 est créé le Syndicat de défense de l’AOC Huile d’Olive de Corse – Oliu di Corsica, qui est aujourd’hui l’outil de développement de la filière. Le parc de moulins oléicoles a considérablement évolué, se modernisant pour répondre aux exigences de qualité de l’Appellation d’Origine. A ce jour, le Syndicat compte 24 moulins de producteurs auxquels s’ajoutent 4 moulins uniquement prestataires de service.
Un produit d’exception
Dès 2004, le cahier des charges de l’Huile d’Olive de Corse stipule notamment des méthodes de production spécifiques et une définition organoleptique caractéristique de l’Huile d’Olive de Corse. Seules les huiles « Vierge » ou « Vierge extra » sont acceptées en AOP. Elles doivent par ailleurs répondre à des critères organoleptiques précis et leur typicité repose principalement sur la douceur et leur niveau très modéré d’amertume et de piquant.
Bien que respectant toutes les conditions de production (variétés, méthodes de récolte…), aucune huile ne peut se prévaloir d’office de l’AOP si elle n’a pas été validée par une dégustation et une analyse en laboratoire.
En 2007, l’Huile d’Olive de Corse obtient l’AOP (Appellation d’Origine Pro-tégée), reconnaissance européenne de l’AOC. Depuis mai 2009, les oléiculteurs qui adhèrent à la démarche AOP ont l’obligation de faire figurer la mention AOP sur les étiquettes et d’intégrer le logo européen. Depuis peu, Appellation d’Origine Protégée figure dans son intégralité pour une meilleure lisibilité/identification.
Une double gamme
Si les caractéristiques organoleptiques générales de l’Huile d’Olive de Corse restent inchangées, sa palette aromatique s’est considérablement enrichie avec la récolte sur l’arbre des jeunes vergers.
Cette complexité aromatique a permis au syndicat AOP Huile d’Olive de Corse d’obtenir en 2015 de l’INAO3 la reconnaissance d’une double déclinaison de son huile. Sont ainsi distinguées les spécificités des deux modes de récolte des olives pratiqués en Corse qui influent sur les saveurs des huiles qui en découlent :
• Les olives récoltées sur l’arbre, par action mécanique, donnent en effet une huile « fraîche » aux arômes d’amande, d’artichaut ou de pomme.
• Les olives récoltées à l’ancienne, par chute naturelle sur filets, donnent quant à elles une huile à la saveur très « douce », aux arômes d’olive noire, de fruits secs ou de fleurs du maquis.
Depuis la récolte 2015, les bouteilles d’huile d’olive de Corse AOP portent donc un macaron qui permet aux consommateurs de reconnaître la gamme à laquelle elles appartiennent et donc de s’orienter vers le type de saveur qu’ils recherchent.
Rondeur, douceur, onctuosité
Une belle couleur or brillant caractérise l’Huile d’Olive de Corse qui est marquée par une extrême douceur en bouche provenant de la récolte des fruits à maturité, et par une palette aromatique exceptionnelle due à l’environnement aromatique du maquis corse, si intense que le fruit s’en imprègne. Sa finesse lui permet d’accommoder aussi bien du sucré que du salé et d’accompagner des mets délicats sans en masquer les goûts.
L’huile d’olive Corse se marie avec gourmandise à toutes sortes de plats…
• Mariages heureux avec tous les poissons, en papillotes ou grillés, les viandes blanches, les pâtes fraîches et les crustacés.
• Unions élégantes avec les desserts et les fromages : salade de fraises, bocaux de chèvres frais marinés aux herbes.
• Bouquet d’arômes avec le vinaigre de vin vieux et le jus de citron corse.
• Raffinement d’un simple filet d’huile d’olive sur un tian de petits farcis ou un gaspacho.
• Elle accommode particulièrement bien les plats chauds tels que soupe (juste un filet au moment de servir), viandes et poissons grillés ou purées de pommes de terre et dévoile tous ses arômes en accompagnement de salades ou de mets froids.
Fabienne Maestracci, écrivain
et productrice d’Huile d’Olive de Corse AOP,
fait sa récolte à l’ancienne
Installée à Bonifacio, Fabienne Maestracci est à la tête de l’une des plus anciennes propriétés agricoles de Corse, qui daterait de l’époque romaine. Ses 540 arbres, de variété zinzala, sont répartis sur 8 hectares. Ils lui permettent de produire les meilleures années jusqu’à 4 000 litres d’huile. La plupart des oliviers sont millénaires.
Dès la mi-octobre, Fabienne s’attèle à la mise en place des filets sous les arbres en vue de la récolte. Dans les vergers anciens, les arbres ne sont pas alignés. Certains sont entourés d’un muret de pierre érigé lors de leur plantation afin de permettre leur enracinement. Si cela donne beaucoup de charme aux oliveraies, cela complique considérablement la récolte. Tous les filets doivent avoir été posés à la Toussaint. Fabienne commence à les tirer en novembre. Les olives sont en général bien mûres à partir du 20 novembre. Le gros de la récolte a lieu en décembre. En janvier, les olives commencent à s’affadir mais la récolte se poursuit afin d’obtenir des cuvées différentes. Dans certains vergers anciens composés de variétés beaucoup plus tardives, comme la sabina, la récolte par chute naturelle peut se poursuivre jusqu’au printemps, voire même jusqu’au mois de juin.
Fabienne apporte ses olives jusqu’à 4 fois par semaine, au fur et à mesure de leur chute, au Moulin de Prunete basé à Cervione, à 125 km de là, où elles sont pressées, mises en cuves et filtrées. La décantation se fait dans la quinzaine de cuves (de 100 à 850 litres) qu’elle possède sur son exploitation.
Début avril, Fabienne goûte les huiles contenues dans ses cuves : en fonction des saveurs et des quantités, elle fait des assemblages afin d’obtenir l’huile à la saveur douce qu’elle aime produire.