Le foie gras

 

Un phénomène naturel, détourné au profit de la gastronomie

 

Les oiseaux migrateurs se suralimentent spontanément à certains moments de l’année pour effectuer de longs parcours et font ainsi des stocks de graisse dans leur foie. C’est de l’observation de cette pratique et de son aboutissement, l’obtention d’un foie délicieux… qu’est née, voici plusieurs millénaires, la tradition des foies engraissés.

Né dans la plus haute Antiquité, le foie gras faisait déjà partie des agapes de nos lointains ancêtres. Ainsi, depuis plus de 6000 ans, les palmipèdes sont engraissés. On trouve à Ninive, en Mésopotamie, des décorations murales sur lesquelles figurent des oies dont l’élevage existait déjà dans le delta du Nil. Curieux sans doute de connaître les secrets de ce foie imposant et délicieux, les Egyptiens décident d’observer le comportement des volatiles migrateurs. Leur patience est récompensée lorsqu’ils constatent que les oies, pour faire le « plein d’énergie » et se préparer au long périple de la migration, se gavent de nourriture, augmentant leur poids parfois jusqu’à 50 %. Les Égyptiens comprennent alors que les oies créent le « foie gras » en accumulant la graisse dans cet organe pour assurer leur long voyage.

Témoignages de l’élevage et du gavage pratiqués, par exemple en Égypte (ancien empire 2845-2400 ans av. J-C.), les archéologues ont découvert de nombreux bas-reliefs contant ces procédés à Gizeh. A Saqqarah, près de l’actuelle ville du Caire, des tombeaux de vizirs révèlent l’activité des élevages des oiseaux d’eau avec des scènes présentent une méthode de gavage parfaitement au point. Par la suite, ce sont probablement les Grecs qui transmettront aux Romains le goût du Foie Gras. Plus tard, les Hébreux ont perpétué la tradition d’élevage et de gavage de leurs anciens maîtres Egyptiens. Venus de Palestine, après avoir franchi la mer rouge, ils se disperseront au fil des siècles en Europe, notamment en Hongrie, en Bulgarie, en Pologne et enfin en France.

Canard de Barbarie

Foie gras or not foie gras...

Dès l’an 23 après JC., Pline l’Ancien cherchait à identifier l’inventeur du foie gras. Ce naturaliste latin a alors avancé deux noms : Scipion Metellus et Marcus Seius, des hommes qui s’étaient illustrés au siècle précédent dans l’art d’engraisser les oies.

Pétrone dans son « Satiricon », Martial, poète latin, Juvenal avec ses « satires », Apicius dans « l’art culinaire »… ces auteurs latins du 1er siècle avant J.C. s’étonnent de l’excellence des foies gras. Apicius a même inventé une recette élaborée pour préparer le Foie Gras, proposée dans son livre « de Re Coquinaria ».

D’autres auteurs, comme Caton, Varron, Celse ou Palladio, vont même jusqu’à fournir des conseils d’engraissement. Le géographe Strabon fait référence aux gardiens gaveurs d’oies d’Aquilé, qu’il avait même surnommé les «hommes oies» ou « Anserarii ».

Le foie ainsi engraissé devient en latin Jecur Ficatum (le foie dû aux figues) et nos ancêtres latins, pour qui le foie était le foie gras par excellence, abandonnèrent paradoxalement Jecur pour ne conserver que Ficatum (figue), lequel donna la forme Figido au VIIe siècle, puis fedie, feie au VIIIe siècle et enfin foie ; il en est ainsi dans tout le bassin méditerranéen avec le mot contemporain Higado (Espagne) et Fegato (Italie). Autrement dit, c’est avec la figue que l’on engraissait les oies, que vient le terme anatomique «foie ».

La consommation d’animaux engraissés et de foies gras en particulier a été constante depuis des millénaires à nos jours. Cependant, le foie gras continue d’osciller entre ses deux identités : nourriture régionale et mets royal. Ainsi, au XVIIe et XVIIIe siècles, le développement démographique des campagnes françaises conduit le Sud-Ouest de la France, entre autres, à entreprendre des cultures nouvelles : maïs, pommes de terre… qui, de plus, n’étaient pas taxées (ce qui notons-le, était déjà à l’époque, tout comme aujourd’hui, miraculeux) ; l’élevage des palmipèdes prend alors une réelle importance économique.

De tous temps, les produits provenant de palmipèdes gras constituaient l’alimentation des paysans de l’Est (Alsace) et du Sud-Ouest. La graisse, la viande et le foie gras étaient alors conservés dans des pots de grès, afin de faire face aux besoins de l’hiver. Les méthodes d’élevage des oies et des canards verront ensuite l’invention de l’embuc (entonnoir à piston).  Le foie gras commencera alors à être vendu sur les marchés, procurant une source de revenus aux paysans. C’est à cette période que le renouveau de l’art culinaire, associé au foie gras, se précise. Strasbourg et Toulouse se disputent alors le titre de capitale du foie gras.

Au XIXe siècle, se développent les grandes « maisons » de foie gras. De nombreuses villes du Sud-Ouest deviennent des centres importants de ce que l’on appelle les « Marchés au Gras », et certains d’entre eux, célèbres, existent encore de nos jours, comme Samatan, Brive, Pomarez, Gimont, Périgueux, Sarlat, etc. Le Sud-Ouest et l’Alsace sont  des régions bien connues  pour la haute tradition de qualité de leurs foies gras. Dans toutes les régions de France, l’oie est élevée depuis des siècles en abondance. Certaines de ces régions ont tout naturellement intégré, au fil du temps, avec rigueur et succès, les méthodes traditionnelles de production de foie gras.

Oie de Toulouse

Qu’est-ce que le foie gras ?

Contrairement à une idée souvent répandue, un foie gras n’est pas un foie malade. C’est en favorisant une tendance naturelle qu’ont certains oiseaux à se suralimenter afin de supporter l’hiver et la migration que le foie devient « gras ».

En effet, les palmipèdes sont de gros mangeurs ; à certaines périodes, ils deviennent boulimiques. A l’observation, on les voit de longues heures, assoupis, se baignant et allant fréquemment manger en cycles répétitifs.  Ainsi, les canards de Barbarie, parents des mulards, se comportent dans la nature de manière très vorace et omnivore. Un foie gras ne peut provenir que d’une oie ou d’un canard en excellente santé qui, à l’âge adulte, après une période d’alimentation à volonté, très abondante, recevra vers trois mois environ, deux fois par jour, une ration progressive de maïs cuit, assaisonné de sel et de graisse. De nos jours, le gavage n’est pas un long moment d’élevage ; il dure environ deux semaines pour les canards (90 % de la production) et environ trois semaines pour les oies.

Il s’agit d’un acte de nourrissage pratiqué avec savoir-faire et dextérité par des professionnels. Le souci premier de l’éleveur est de maintenir en excellente forme ses pensionnaires. Avant de placer les oiseaux à l’engraissement, une longue période d’adaptation doit être observée. Les canetons et oisons ne sortent en parcours herbeux, que lorsque leurs plumes protectrices ont poussé. Vers la 9e semaine, les plus beaux oiseaux vont recevoir une alimentation à volonté, progressive et adaptée, les préparant au gavage qui ne se pratiquera qu’à l’âge adulte. C’est à la 12e semaine, lorsque le canard pèse environ 4 kg et à la 14e semaine lorsque l’oie pèse environ 6 kg que, respectivement, en moyenne, deux à trois semaines, les palmipèdes font l’objet du gavage. Pour les canards, une durée de 12 jours, en moyenne, a été retenue, ce qui correspond aux meilleurs critères physiologiques permettant de conserver les sujets dans des conditions aussi optimales que possible. Ce régime peut d’ailleurs être adapté à chaque animal car il n’y a aucun avantage pour l’éleveur à provoquer une saturation. Le gavage se fait progressivement et se pratique deux fois par jour pour le canard, avec des rations allant de 250 g en début de gavage, à 450 g par repas, d’un maïs riche en amidon, entier, concassé, cru ou cuit. Le canard en bon état sanitaire et placé en bonnes conditions de gavage, reçoit sa ration toutes les douze heures. Sa digestion durant environ 6 à 7 heures, il dispose d’une période de repos de 4 à 5 heures avant son deuxième repas journalier.

L’acte de gaver, lorsqu’il est pratiqué dans les règles de l’art, ne stresse pas l’animal qui s’habitue progressivement à recevoir la nourriture qui lui procure l’état de satiété. Si l’on remet une oie ou un canard engraissé hors du circuit de gavage, son foie, gras mais sain, reviendra à son poids de départ en quelques jours, comme cela se produit dans la nature lorsque l’oiseau a épuisé ses ressources après un long voyage migratoire. À l’issue de cet engraissement, les foies atteignent le poids requis pour la commercialisation.

Le poids des foies gras d’oie ou de canard est fixé par l’Union européenne. Celui de l’oie doit peser au moins 400 g et celui du canard 300 g. De nos jours, le foie gras de canard est le plus consommé, son goût affirmé plaît beaucoup ; il représente plus de 90 % de la production française. Le foie gras d’oie, pour sa part, est d’une grande finesse. Un beau Foie Gras est lisse, souple et ferme au toucher, d’une belle couleur variant, selon la pigmentation du maïs que l’oie ou le canard aura consommé.

Au début de notre ère, les Gaulois gavaient leurs oies avec de l’orge, de la farine sèche et de la bouillie de figues sèches. Galien, un médecin grec, qualifie de gourmandise « le foie d’animaux nourri aux figues », un peu plus tard, au IVe siècle, Palladius, dans son « traité d’agriculture », traite de la production de Foie Gras pendant l’antiquité romaine : « on roulera en petites boulettes des figues sèches, broyées et trempées dans l’eau et on leur en donnera au bout de 30 jours d’engrais, et cela pendant 20 jours consécutifs.»

Foie gras Authentique Montfort

Foie gras frais poêlé

Trois appellations réglementées

Les foies gras sont achetés crus directement auprès des éleveurs ou sur les marchés au gras. Le foie gras cru est présenté tel quel ou sous-vide (frais ou surgelé). Au toucher, il doit être à la fois ferme et souple, sa couleur dans les tons beige / ivoire. Cru, enveloppé dans un torchon, on le conserve au réfrigérateur environ 7 jours, à une température oscillant entre 0 et 4°C.

Le foie gras mi-cuit ou semi-conserve a été pasteurisé. On le conserve de 0 à 4°C, durant quelques semaines sous-vide, jusqu'à plusieurs mois en boîte métal ou en bocal de verre. La date limite de consommation étant indiquée sur le conditionnement.

Le foie gras appertisé a reçu une stérilisation. On peut le conserver plusieurs années dans un endroit frais et sec, il se bonifiera en vieillissant.

En complément des règles générales s’appliquant à l’ensemble des denrées alimentaires, la commercialisation du foie gras est soumise à une réglementation spécifique ; un décret de 1993 en promulgue les particularités.

Ainsi, la dénomination Foie Gras  est réservée aux produits qui ne contiennent que du Foie Gras. C’est pourquoi l’étiquette du foie gras que vous achetez doit comporter, entre autres, sa dénomination selon des appellations clairement définies : «Foie Gras entier», «Foie Gras» et «Bloc de Foie Gras», ainsi que la liste des ingrédients, épices et aromates, la date limite de consommation (DLC) pour les semi-conserves, ou la date limite d’utilisation optimale (DLUO) pour les conserves ; l’identification du lot, le poids, le numéro sanitaire, l’adresse du fabricant, la température de conservation, etc. viennent compléter l’information consommateur.

Conformément à la réglementation aucun colorant ne doit être ajouté dans le foie gras.

On distingue ainsi :

- le foie gras entier composé d’un foie gras entier, ou d’un ou plusieurs lobes de foie gras et d’un assaisonnement. Il s’agit d’une préparation agencée du foie gras complet d’une oie ou d’un canard. A la coupe, il présente une coloration uniforme.

- le foie gras (sans autre qualificatif) est constitué de préparations composées de morceaux de lobes de Foie Gras agglomérés et assemblés et d’un assaisonnement, pouvant provenir d’animaux différents (soit des oies, soit des canards). Il présente un aspect marbré esthétique, très recherché au tranchage.

- Le bloc de foie gras est composé de Foie Gras d’oie ou de canard, finement découpé, puis assaisonné et émulsionné. Lorsqu’on y inclut des morceaux de lobes de foie gras, il devient « Bloc de Foie Gras avec morceaux » et doit présenter une belle tranche où les morceaux sont bien visibles.

Entier, bloc ou foie gras… Que choisir ?

Le choix est avant tout affaire de goût et… de prix.  Ensuite intervient le mode de cuisson : pasteurisé (mi-cuit), appertisé, etc. et, bien sûr, les secrets d’assaisonnement de chaque marques ou cuisiniers.

Tous ces produits sont proposés en différents conditionnements : bocaux, terrines, boîtes métal, barquettes, conditionnements transparents sous-vide, etc. Néanmoins, différentes préparations culinaires comportent également du foie gras. Si leur teneur en foie gras peut varier, elles n’ont en aucun cas droit à l'appellation foie gras dans leurs dénominations commerciales et ne peuvent utiliser que la dénomination foie d'oie ou foie de canard sur l'étiquette (à l'exclusion de la mention "Foie Gras"). Ainsi, le parfait de foie d'oie ou de canard comporte  75 % minimum de foie gras. Les médaillons, pâtés, mousses, galantines de foie d'oie ou de canard sont constitués de 50 % minimum de Foie Gras. Le Foie Gras Truffé garantit un taux de truffe (tuber melanosporum exclusivement) d'au moins 3 %. Entre 1 % et 3 %, le taux est indiqué dans l'appellation.

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Un foie sans pathologie

Nous l’avons dit, un Foie Gras n’est pas le foie d’un animal malade, c’est le foie d’un animal sain, théoriquement élevé en plein air et qui, arrivé à l’âge adulte, a reçu une alimentation très abondante, progressive et contrôlée. Ainsi, il s’agit d’un palmipède qui par alimentation abondante à base de glucides, va présenter un état de surcharge lipidique (stéatose) sans signe de dégénérescence, dans la mesure où il n’y a pas d’intoxication.

Les études sur les préparations histologiques démontrent la progressivité de l’engraissement des cellules : après un état de préstéatose, les lipides de réserve sont stockés, progressivement et simultanément dans les divers lobules du foie.  Le foie gras n’est pas non plus un foie d’hépatite ou de cirrhose, il s’agit d’un foie qui, dans le cas d’un déséquilibre entre l’excès de production et la capacité d’élimination des lipides, va jouer un rôle de stockage accentué. C’est ce processus qui entraîne le développement d’un foie dit gras.

Le Foie du Périgord, un mets qui inspire

 

Carte blanche pour deux recettes à base de Foie gras du Périgord : c'était la seule consigne donnée aux chefs pour la composition de cet ouvrage qui flatte nos papilles. Vingt chefs du Périgord ont ainsi laissé parler leur imagination tout au long de quelques quarante réalisations. En terrine, en bonbon, poêlé, pané ou poché... difficile de ne pas saliver devant ces créations originales dont la vedette est le foie gras. Autant d'aventures culinaires inoubliables accessibles à tous. Ainsi, le livre complie des recettes avec différents niveaux de difficulté. Il se propose par ailleurs d'accompagner le lecteur tout au long de la réalisation du plat, détailant précisemment les étapes  et livrant les conseils et astuces des chefs eux mêmes.

 

Le Fois gras du Périgord sublimé par ses Chefs  est disponible aux éditions Albin Michel.

Les règles et commandements indispensables pour déguster un foie gras... Sortez le foie gras de son contenant (et / ou du réfrigérateur) environ 40 à 60 minutes avant le repas. Pour faciliter le démoulage, plongez très rapidement le contenant du foie gras dans de l'eau très chaude. Utilisez de préférence une lyre pour le découper. Elle vous assurera un tranchage idéal sans risque d’abîmer le produit. Une fois démoulé, n’en retirez pas toute la graisse, elle est délicieuse. Préservez vos papilles : à l'apéritif, par exemple, évitez les alcools forts, les olives ou les cacahuètes salées. Le vin prévu pour accompagner le foie gras en entrée, est le bienvenu pour ce moment-là. Ne tartinez pas le foie gras. Déposez-le sur un morceau de pain ou "cueillez-le" tout simplement à la fourchette.… Et pour découvrir nos délicieuses recettes, plus un instant à perdre ClIQUEZ !

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