UN HOMME / UN MÉTIER
Portrait d'une Pâtissier qui n'a pas
les deux pieds dans le même sabot...
Pâtissier par vocation, Chef par choix,
Etienne Chedeville vous présente
O P’tit Faitout
Installé au Breuil-en-Bessin dans le Calvados (14), Etienne Chedeville est pâtissier de formation. Cet homme qui « n’a pas les deux pieds dans le même sabot » a su rebondir au fil des années et des crises. Tour à tour salarié et patron, il décide un jour de tenter l’aventure en Russie. Une aventure dont il a gardé de bons souvenirs, beaucoup d’amis, mais encore comme il le dit lui-même aurait-il fallu qu’il parte « avec la bonne personne ». Mais qu’importe, aujourd’hui Etienne est le chef du Food truck « Ô p’tit faitout », point d’orgue savoureux à 30 ans de métier dans la pâtisserie d’excellence.
Vous avez eu une carrière atypique. Comment vous est venue votre vocation de pâtissier ?
J’ai toujours vu ma mère cuisiner. Et quand j’étais gamin je léchais souvent les plats !
Nous étions trois enfants à la maison, donc trois communions, et à chaque fois ma mère préparait tout de l’entrée jusqu’à la pièce montée. J’ai souvenir que toute la famille, les amis, qui étaient invités à la maison, étaient toujours en admiration sur ce que cuisinait ma mère. Aussi, n’étant pas un fan des études, lorsque je suis arrivé à l’âge de choisir un métier ça m’est venu tout naturellement.
Il faut dire que ma mère n’était pas une femme qui laissait ses enfants avoir les deux pieds dans le même sabot, aussi à l’âge du brevet elle m’a emmené voir plusieurs entreprises. J’ai demandé si je pouvais venir passer une journée pour me rendre compte ce qu’était le métier de pâtissier. Ca m’a conforté dans mon choix, et j’ai eu la chance de trouver un très bon maître d’apprentissage qui avait la passion du bon et du bien, et qui m’a permis d’obtenir un CAP de pâtissier.
Comment a débuté votre carrière à proprement dit ?
Avec mon diplôme tout neuf en poche j’ai trouvé un emploi dans une pâtisserie à Pont Lévêque où j’ai vraiment appris à travailler avant de faire mon service militaire. A mon retour j’ai repris mon métier dans une boulangerie à l’ancienne à Caen, où l’on faisait tout ce A à Z, mais avec des produits de qualité. Au bout de dix ans, je suis passé dans une autre entreprise avant de franchir le pas et de m’installer à mon compte en 2005 au Molay-Littry, une petite commune située entre Bayeux et Saint-Lô, où j’ai repris une boulangerie-pâtisserie avec un boulanger, un apprenti et mon épouse qui s’occupait de la boutique.
L’avantage d’être à son compte c’est que cela m’a permis de former des apprentis en pâtisserie, surtout des jeunes femmes avec lesquelles j’ai eu de très bons résultats puisque certaines se sont installées par la suite
Qu’avez-vous fait à votre retour de Russie ?
J’ai repris une activité saisonnière avec mon ancien maître de stage ce qui a été un plaisir, puis l’un de mes anciens patrons recherchait à nouveau un pâtissier, ce qui a fait que le retour a été simple. Néanmoins, l’expérience russe m’avait donné des envies de découvertes et être enfermé dans un labo ne me convenait plus vraiment. J’avais besoin de tenter autre chose, aussi en 2020 je suis passé de pâtissier à Chef. J’ai acheté un Food Truck qui a l’avantage de ne pas se dévaloriser financièrement. En outre, j’ai une meilleure qualité de vie pour partager un peu plus de temps avec ma famille. Le Food Truck me permet de continuer la pâtisserie d’y ajouter la cuisine, et d’avoir le contact avec la clientèle. C’est ainsi qu’est né O’P’tit Faitout.
Que proposez-vous à la carte d’O’P’tit Faitout ?
Je propose une cuisine traditionnelle avec des plats cuisinés, mijotés, comme le porc au cidre, du poulet au chorizo, mais aussi du bœuf bourguignon, de la tartiflette, des lasagnes, des quiches, du parmentier de poisson, des soupes maison. Je fais tous mes desserts bien évidemment : du crumble, des tartes chocolat, de brownies, etc. Je travaille systématiquement avec des fruits et des légumes de saison. Depuis le début de l’automne, je propose des soupes que je stérilise et que je vends au camion. Je fais aussi des frittes parce que les Français adorent ça !
Je me suis diversifié en fonction de la demande des clients, ainsi j’élargis ma gamme. Ainsi cet été on m’a demandé de faire du fish and chips pour la fête de la musique sur la Côte et depuis je continue.
Je propose des formules de restauration, de 8 à 11 €, se basant sur deux plats chauds au choix par jour, un dessert et une boisson.
Vous êtes parti travailler en Russie. Comment vous est venu l’idée de faire cette expérience ?
La boulangerie fonctionnait bien, mais les années de crise à partir de 2008 où les charges avaient explosées ne nous avaient pas épargnées. En 2012, j’avais un client sporadique qui était policier et qui demeurait au Molay-Littry. Un jour il nous a demandé s’il était possible qu’il vienne passer quelques heures au laboratoire pour voir comment se passait la fabrication du pain parce qu’il envisageait de quitter la France pour ouvrir une boulangerie pour proposer du pain « à la française » à Kazan en Russie, une ville d’où sa femme qui était russe était originaire.
Son projet n’était pas mauvais et comme les affaires n’était plus vraiment florissantes en France, j’ai pensé que l’expérience pouvait être intéressante. Je suis partie en Russie une première fois en février 2013 pour voir ce qu’il était possible de faire, par -30°C. Ca m’a beaucoup plu. Les Russes m’ont accueilli avec beaucoup de gentillesse, aussi en juin 2014 je me suis installé en Russie avec mon savoir-faire en poche où nous avons ouvert la boulangerie en juillet.
J’étais seul pour faire la boulangerie et la pâtisserie, tandis que mon « associé » faisait du « relationnel ». Ca a été une expérience enrichissante mais j’ai bossé 12 h par jour, 7/7.
Il faut savoir qu’en Russie on ne trouve pas de boulangeries comme en France. Ce sont des boulangeries industrielles qui fournissent des points de vente. Nous avions créé vraiment une boulangerie à la française où nous importions même les farines et les produits de base français, ce qui induisait des prix de vente forcément plus élevés, ce qui ne nous a pas permis de poursuivre l’activité sur le long terme. Il faut comprendre que le salaire moyen en Russie à l’époque était de 350 €.
Un investisseur nous a proposé par conséquent de prendre la direction d’une boulangerie semi-industrielle automatisée. Ce fut une expérience très compliquée car le personnel ne parlait que russe, il nous a fallu une traductrice, les volumes n’étaient pas les mêmes, et mon associé qui s’était vendu comme boulanger n’y connaissait absolument rien. Le gouvernement russe ayant pris en outre la décision de fermer toutes les entreprises qui ne correspondaient pas aux nouvelles normes, notre investisseur a décidé de fermer l’usine avant de subir une fermeture administrative. Mon visa arrivant en outre à son terme, je suis rentré en France.
Mon seul regret est d’être parti sur un projet avec une personne qui n’était pas à la hauteur, mais ce fut une formidable expérience que je ne regrette pas. Je me suis fait des amis en Russie avec qui je suis toujours en contact.
Il y a de grandes différences de formation entre la Russie et la France ?
Les gens là-bas se forment sur le tas. On ne vous demande pas de diplômes pour travailler. On vous demande juste d’avoir du courage et de la bonne volonté. Prendre des personnes en apprentissage c’est facile. Avec les femmes et les jeunes filles ça fonctionne très bien car elles ont le goût du travail bien fait ; mais avec les garçons c’est compliqué du fait d’un problème d’alcoolisme important.
J’avais pris une apprentie à la boulangerie. Une jeune fille passionnée que j’ai formé en pâtisserie et dont je suis très fier car depuis elle s’est installée en Allemagne.
Que diriez-vous aujourd’hui, avec ce retour d’expérience, à un jeune qui souhaiterait s’installer en Russie ?
Il faut savoir qu’en Russie, la vie n’est pas chère mais il y a deux choses qui sont néanmoins onéreuses : c’est l’immobilier et l’automobile. Lorsque nous sommes arrivés à Kazan, nous n’avons pas pu nous installer dans le centre du fait que les loyers étaient trop chers. Par conséquent, ce que je pourrais dire à un jeune : pourquoi pas, c’est une fabuleuse expérience, mais il faut un minimum d’argent quand même. Et c’est valable partout dans le monde. Aujourd’hui, c’est différent d’il y a 50 ans où ceux qui partaient aux USA, au Canada… avec 15 000 F en poche pouvaient réussir. Pour s’installer en Russie désormais il faut 100 000 € pour louer un local, l’aménager, s’installer, et pouvoir payer ses fournisseurs en attendant un retour sur investissement. A défaut, il n’y arrivera pas !
Où peut-on trouver O’P’tit Faitout ?
On peut me trouver le midi sur des parkings d’entreprises, comme Pole Agglo à St Lo le mardi ; la Chambre de commerce à Caen le jeudi et la Chambre d’agriculture de Saint-Lô le lundi et mercredi. Le week-end je fais également un service traiteur pour des anniversaires, des événements, des mariages…
C’est important pour vous la qualité de ce que vous proposez ?
J’ai toujours essayé de faire les choses bien ! J’ai eu un maître d’apprentissage très exigeant qui m’a poussé sur cette voie et lorsque vous entrez dans la vie active, votre travail reflète forcément l’éducation que vous avez reçu. Pour qu’un gâteau soit bon il faut qu’il soit bien fait avec des produits de qualité. Ce que je ne sais pas faire je ne le fais pas, car mieux vaut s’abstenir que de faire les choses mal.
Dans mon food Truck, je veux faire de la bonne cuisine française et simple. J'essaie de travailler avec des producteurs locaux comme le boucher du Molay-Littry pour la viande ou avec un producteur de légumes de Crouay. Je travaille en fonction des saisons, en circuit court, et avec des emballages biodégradables ou recyclables.
Pour passer commande O’Ptit Faitout :
Etienne Chedeville - Breuil en Bessin - 06 95 74 88 52